Humeur

L’ange noir

J’écris cet article à chaud, j’ai besoin d’en parler, besoin de vider le sac, expier.

On s’inquiète souvent à tord quand quelqu’un part en voyage ou au quotidien pour des choses importantes et qui peuvent être dangereuses, comme un trajet tôt le matin ou tard le soir, mais certaines fois, on ne s’inquiète pas assez.
Pas assez pour quelqu’un qu’on aime pourtant beaucoup.
Et c’est ce jour là que la mort choisit. Fourbe qu’elle est.

Tout dans cette nouvelle me choque : sa soudaineté, le fait d’avoir du appeler les pompiers pour qu’ils découvrent la personne chez elle. Partie sans prévenir, sans crier gare, au milieu de la nuit, en buvant son café. Quel acte banal.
La froideur du légiste qui n’a pas su avoir le tact de dire autre chose à ma mère que “j’vais pas attendre mon chèque mille ans, j’ai d’autres personnes à voir moi”. OUI CONNARD, on ne pensait pas que ma tata nous aurait quittés. Désolé de pas sortir avec le chéquier pour te payer pour constater ça. Putain. En plus ils sont morts, ils ont tout leur temps maintenant.

Le camion des pompes funèbres.
Le moment où la personne que tu as aimé est un sac blanc. Ou elle rentre dans les ténèbres du coffre de leur voiture à rallonge.
Le moment où la mort n’est qu’un métier. Si banal. Si froid.

Et ce moment où tu sais toi, que tu as perdu un être cher.
Où tu amasses les regrets en te disant que tu aurais du être plus présent, plus aimant, démonstratif.
Ce moment où tu penses à tout ceux que tu aimes. Ce que tu ne fais pas assez pour eux.
Si tu as déjà vécu un deuil, tu sais de quoi je parle.

La mort ne fait pas que passer pour une personne. Elle sème dans chacun un doute, une réflexion.

Au delà de ça, tu découvres que la bonté et la beauté d’âme existe encore. Chez cette voisine en pyjama qu’on a réveillé pour lui demander si elle avait vu ma tata ces jours-ci.
Son hospitalité gratuite pendant que les pompiers faisaient leur travail, puis la police.
La défense qu’elle a prise et la façon avec laquelle elle a envoyé chier le légiste quand ma mère n’avait pas la force de le faire.
Cette dame qui dans cette épreuve a su être là, alors qu’elle ne nous connaissait pas. Sans aucune arrière pensé, aucun retour à attendre. De l’amour, de l’entraide, purs, dénués d’intérêt.

Hier, je pensais à mes cartons de déménagement, à quoi faire de mon dimanche.
Aujourd’hui, je regarde en arrière. Je sais que j’ai oublié de l’aimer assez. Je repense à ses sourires, à sa vie, aux moments passés ensemble, à son mauvais goût maladif qui nous amusait tant, et à ses lubies d’avoir des escargots de compagnie.
Je sais qu’elle est au ciel, avec tout ceux qui ont déjà décidé de nous quitter trop tôt.

On a l’impression de ne retenir les leçons que sur le moment, j’espère retenir qu’il ne faut pas oublier que rien n’est éternel, que chaque jour pourrait être le dernier.
Je ne veux pas me sentir plus coupable que triste de perdre la personne à nouveau.
Tout ceci est inutile maintenant.
Mais je vais la pleurer un peu, elle le méritait énormément. Et le mérite toujours.

Mais de votre coté, vivez comme si c’était le dernier jour.
Répétez sans cesse que vous aimez vos proches, quitte à les faire crouler sous les preuves d’amour. Faites de votre vie celle que vous auriez toujours voulu avoir, pleine de folie, de bonheur, de proches, de festins, de plaisir.
Nous n’en avons qu’une seule, et elle est si fragile.

Pardonnez l’ambiance plombée de votre dimanche pourtant si ensoleillé.

En habit de noir …

Délia ♥

12 Commentaires

    • Merci Shirleystar … Malheureusement on expérimente tous cette douleur et ces sentiments de frustration et de regrets. µ
      Merci pour ton petit mot réconfortant.
      Des énormes bisous de remerciement à toi ♥

  • Très joli texte, très touchant. Ça a du être dur de partager des pensées aussi intimes mais j'espère que ça t'a fait du bien.
    J'avoue ne pas trop savoir quoi dire, te présenter mes condoléances me semble tellement à côté de la plaque.
    Je te dirais juste que ce que tu dis est tellement vrai, c'est dommage d'avoir besoin d'occasions comme celles-ci pour s'en rendre compte mais hélas, on est presque tous pareils là-dessus…

    Il y a une phrase de Paul Fort que j'aime beaucoup, je pense qu'elle résume assez bien ton état d'esprit du moment :
    "Il faut nous aimer sur terre. Il faut nous aimer vivants.
    Ne crois pas au cimetière. Il faut nous aimer avant."

    Sur ces jolies paroles (et tellement vraies), je te souhaite à nouveau bon courage, ainsi qu'à ta maman et à toute votre famille. Le temps n'atténuera peut-être pas la douleur, mais il la rendra au moins plus supportable.

    • Merci beaucoup … Ecrire c'est un exutoire pour moi, je l'ai toujours fait sur un papier, un coin de carnet. Mais l'écrire ici c'est vrai que ça peut paraître impersonnel et déballage, mais ce n'est pas comme ça que je le vois. J'espère que ça ne fait pas trop la fille qui raconte sa vie sans intérêt et qui fait étalage de sa tristesse pour la faire passer, c'est pas du tout mon souhait.
      C'est le truc que tout le monde te dit, mais je crois que le moins pire du cordial c'est "désolé pour votre perte". Parce qu'on dirait juste qu'on a retiré un truc dans ma vie, c'est vrai. Un petit morceau de femme d'1m50, remplie d'amour.
      On est si bêtes nous les humains. On oublie tellement de faire passer les autres avant plein de petites merdes de la vie quotidienne.
      La mort fait revivre les vivants.

      J'aime beaucoup ton Paul Fort.
      Il a dit des choses qui ont du sens pour moi à cet instant précis.
      De toute façon je déteste les cimetières, je ne pense pas qu'on ai besoin d'aller chouiner sur une tombe pour penser à quelqu'un, et qu'au contraire, à sa place moi ça m'embêterait qu'on ne se remémore ma présence que dans les pleurs.

      Merci beaucoup à toi, c'est surtout le choc qui est rude, ma tata n'était pas en très bonne santé et pas non plus hyper jeune, donc je savais qu'un jour ça arriverait, mais toute la démarche dans laquelle j'ai assisté ma maman (on ne savait pas qu'elle était décédée, donc le découvrir, le légiste, les pompiers, la police…), ça a rendu son départ si moche, elle ne méritait pas ça et ça me rend triste pour elle. J'aurais aimé une jolie mort, dans un bouquet de fleur, entourée d'amour et de sérénité.
      C'est jamais idéal pas vrai, le jour du grand départ?
      ♥ ♥

  • Tu as raison. Il faut inonder nos proches d'amour et le leur montrer autant que possible. Mais pas que ! Tous les gens qu'on apprécie aussi. Alors même si on ne se connait pas ou si peu sache que je t'apprécie <3 Et je te fais plein de bisous 🙂

    • Tu as raison … En fait faut simplement repenser à être spontané, tout simplement.
      J'ai fondu devant ton petit message. Ca fait chaud dans le coeur. Sache que tu fais partie de ces lectrices que j'aimerais beaucoup rencontrer, pour passer au dessus de la petite barrière qui sépare finement virtuel et réel. Après tout, si ce blog peut aussi m'apporter des copines avec qui rire et s'amuser … 🙂
      D'énormes bisous à toi ma jolie, et grand merci pour ton petit mot ♥

  • Ton texte m'a beaucoup touchée. Tu as tellement raison. Quand l'oncle de mon compagnon est mort le mois dernier c'est ce que je me suis dit, qu'il fallait profiter de la vie à fond et puis le quotidien efface tout. Mais la semaine dernière je suis allée à nouveau à un enterrement, celui du petit frère de mon ami d'enfance, il n'avait que 28 ans. Celui-ci fut pour moi un electrochoc, on ne meurt pas à cet âge, quel gâchis !! Depuis je n'ai que cette idée en tête, que la vie ne tient qu'à un fil. L'image de ce petit garçon que j'aimais tant embêté quand nous étions encore voisin ne me quitte pas. Depuis une semaine, j'arrête de réfléchir à certains projets, maintenant j'agis.
    Même si je ne te connais pas toutes mes pensées vont vers toi et ta famille ! Gros bisous 🙂

    • C'est tellement dur de vivre des enterrements de personnes si jeunes … Se dire que voilà, demain on peut se lever et en fait, on se lève pas. Ca fout les jetons dans ces cas là.
      C'est aussi la façon dont je vois les choses : faut vite se sortir de sa peine pour vivre pour ceux qui sont partis trop vite! C'est presque comme une leçon de la vie!
      J'espère que tu réaliseras rapidement ce qui te tient à coeur!
      Pour notre part ça va mieux, toutes, on essaye de continuer à bouger, aller travailler, vivre, en se disant que la vie est injuste mais qu'elle aurait refusé de nous voir nous apitoyer pendant des jours entiers.
      D'énormes bisous à toi et bon courage avec tes deux deuils, c'est jamais chouette même si on s'en remet avec le temps …

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