Reconversion pâtisserie

Vivre de sa passion : Entre idées reçues et vision personnelle

L’annonce de mon métier suscite toujours un tas de waohh de wouuuh et trooop bien! et autres réactions ultra positives.
C’est encourageant évidemment, et très gratifiant. Je plains un peu les gens qui font des métiers mal vus ou mal considérés et qui ne reçoivent pas autant d’encouragements de la part des autres, car c’est un facteur qui joue beaucoup dans le regard qu’on porte sur son propre métier.

Avant, pâtisser était un passe-temps, qui a grandi en passion, et qui est maintenant, mon quotidien.
Mais bien loin de l’idée idyllique que vivre de sa passion fait de toi quelqu’un de forcément épanoui au stade maximum, il ne faut pas oublier qu’il existe une certaine réalité, qui vient te rappeler que l’équation passion=travail=bonheur n’est pas une obligation fondamentale.
Vivre du métier de pâtissier n’a rien à voir avec l’amour de créer des pâtisseries.

 

Chaque matin, je me lève pour aller en laboratoire, chaussures de sécurité, charlotte en place qui ramasse mes cheveux, et pantalon pied de poule. On oublie le dernier henné et tout signe distinctif ou féminin, c’est le coté pratique qui te fait kiffer, et tu as acheté des actions chez damart pour l’hiver. La mine un peu grise, je prends ma petite voiture et file à travers champs pour rejoindre mon lieu de travail, contente de démarrer une nouvelle journée.
J’enfile la tenue réglementaire et commence tout d’abord à sortir quotidiennement la fournée avec ma collègue qui est d’ailleurs aussi une amie, c’est à dire tout ce qui concerne ce qui sera présenté en boutique ce jour là.
Après que tout ça soit terminé, c’est au tour de la production. On déverse alors litres d’oeufs, quantité de sucre et bon nombre de litres de crèmes liquide dans diverses préparations.
La rapidité est maître mot, pas tellement le temps de réfléchir à ce qu’on fait, les gestes sont automatiques, précis et concis.

A la fin de la journée, évidemment, on ressent beaucoup de satisfaction à jeter un coup d’oeil à la vitrine et se dire qu’on a produit toutes ces bonnes pâtisseries. Et beaucoup de fatigue, en rentrant par les mêmes chemins de campagne, le soleil à travers le pare-brise et le corps un peu fatigué.

Mais, il y a un mais.

C’est comme tous les boulots, il y a des contraintes.

La gamme reste au programme pendant un petit moment, donc on fait de la reproduction pendant quelques semaines voir mois, à un rythme pas forcément très reposant ou agréable.
On ne peut pas trop prendre le temps de créer de nouveaux desserts, de s’attarder sur ses préparations, en bref, d’appronfondir, quand le besoin se ressent, de prendre du plaisir.
On est vraiment dans un but quantitatif, qui diverge beaucoup de ce qui pousse généralement chacun à aimer la pâtisserie en premier lieu.
Alors évidemment, j’aime mon travail, ça va sans dire, sinon je serais déjà retournée dans un bureau pour éviter de bosser les week-ends et de me lever à 4 heures du matin.
Mais quand j’entends des personnes me sortir des phrases pré conçues comme quoi quand tu bosses de ta passion c’est un peu comme si tu ne travaillais pas, j’ai envie de leur proposer de venir constater ce que représente une journée de travail, bien loin des waouuuh des haaan et trop cool.
Pour retrouver la recette de ce coeur coulant, rendez-vous sur la page de VG pâtisserie 🙂

 

Tout ça pour en venir au fait. Quelque soit ta passion, quelque soit le métier qui englobe ta passion, il est certainement empli lui aussi de contraintes.
C’est pour ça que je continue de séparer ma passion pour la pâtisserie et mon travail, car je ne les trouve pas du tout compatibles en réalité.
Ce que j’aime, c’est créer, calmement des desserts. Essayer, prendre le temps de me tromper, de goûter, d’améliorer. Et évidemment prendre des photos.
Chose que je ne peux pas faire au travail.C’est une vision un peu puriste, mais je pense qu’il est important, même quand on “vit de sa passion” de ne pas la perdre de vue en voulant tout concilier au risque de se dégoutter de son travail, mais aussi de sa passion!
On a le sentiment que tout est facile quand on choisit son métier avec détermination, mais je pense qu’il faut quand même nuancer, parce que quelque part, à force de l’entendre, on se dit qu’on n’a presque pas le droit de ne pas s’en contenter, formatés par l’idée qu’un métier choisi ne peut pas aussi être un peu subi par moment, comme tout autre métier. On peut même venir à en ressentir une certaine culpabilité : après tout elle fait ce qu’elle aime, elle a trouvé sa voie, pourquoi s’octroyer le droit de se sentir de traviole?Je sais que dans mes lectrices, j’ai des reconvertis, et j’aimerais bien savoir quel est leur sentiment.Plus le temps passe depuis mon dernier diplôme et plus j’ai ce sentiment fort que mon métier et ma passion sont deux éléments distincts, et qui le resteront. J’aime les deux, mais je n’arrive pas à les fondre complètement l’un dans l’autre, car ils ont tous les deux leurs avantages et inconvénients.Je vis donc de ma passion d’une manière professionnelle, mais je n’oublie pas de vivre ma passion dans le cadre personnel. C’est ma recette secrète pour trouver un équilibre!

Vous en pensez quoi de tout ça vous?
Est-ce que vous vivez un métier passion dans un sentiment d’idylle parfaite?
Est-ce que vous croyez qu’un métier passion est forcément le synonyme d’un bonheur sans bornes?
Avez-vous été déçus par un métier passion, et décidé de ne garder que le coté passion en rebroussant chemin?

Dites moi tout!

Je vous embrasse, j’ai quelques recettes à méditer, entre deux bûches, une sieste, une nuit de 5 heures et ma part d’accomplissement personnel 🙂

Délia ♥

13 Commentaires

  • Salut,

    Tout à fait d'accord avec toi! Je suis conseillère en parfumerie, métier que j'ai choisi et j'ai fait les études pour, et je kiffe ce que je fais. Mais c'est pas facile tous les jours, il faut composer avec l'humeur de la boss, et la pression qu'on nous met en objectifs chiffrés, qui te fait perdre de vue l'épanouissement… En tout cas je sais la chance que j'ai de faire un métier par choix, parce que j'ai été hôtesse de caisse en grande surface pendant 2 ans, par nécessité, et c'était pas la joie…

    Bises.

    • Coucou! Comme quoi choisir son métier ne veut pas forcément dire voir la vie en rose tous les jours 🙂 !
      J'ai aussi grandement conscience d'avoir beaucoup de chance d'avoir un but personnel et professionnel qui se rejoignent, mais je préfère quand même garder les pieds sur terre et rester réaliste. Aucune situation n'est parfaite, aucune n'est géniale!
      Du coup, ça m'a semblé important pour tous ceux qui voudraient tenter la reconversion de garder ça à l'esprit au cas où. On peut vite finir déçu à trop en attendre 🙂

  • Coucou je te répondais sur l'autre post que suite à ma formation cuisine nomade du chef Thierry marx ( sans Thierry Marx, il n'a pas daigné venir car il n'y avait pas de chaine de TV, enfin si on a eu France 5 mais ça ne l'intéressait pas … ) j'ai ouvert mon food truck. Et je te rejoins sur le fait que vivre de sa passion c'est quand même très fatiguant. On ne compte pas ses heures et il y a beaucoup de courses, de préparation et de nettoyage !!!
    Donc oui c'est toujours mieux que d'être dans un open space avec des collègues pénibles et un boss tyrannique mais ce n'est pas toujours tout rose non plus 😉

    • Ouii j'avais vu mais je n'avais pas validé le commentaire (je devrais les automatiser mais ça m'empêcherait de contrôler tout ceux qui passent haha).
      Je trouve ça génial! Tu as une adresse mail, un nom? Je suis intéressée pour savoir quel est ton projet!
      Aaah le nettoyage, on en parle peu mais ce métier regorge de bouches d'évacuation d'eau à frotter, de produits corrosifs et de briquages en tout genre.
      Mais bon, ça fait partie du job alors on accepte! 😉

    • Mon food truck se nomme Capucine cuisine mobile. J'ai commencé par faire les marchés avec une cuisine 100% maison (entre autre, mon pain à burger à 4 h du mat par exemple … ) mais comme cela ne me permettait pas de vivre, j'ai cherché autre chose et j'ai eu l'accord pour me mettre devant un lycée.
      J'ai revu mes ambitions de faire des plats cuisinés et des desserts un peu élaborés car je m'adapte aux envies des lycéens ( mais je leur fais quand même des cookies tous les jours différents, des brownies, crêpes ) mais au moins je me verse un salaire ;). Et je m'éclate quand je fais de l'évènementiel pour des anniversaires ou autre chez des clients. Là je cuisine vraiment et j'adore ça 🙂 Les food trucks ont le vent en poupe, les gens trouvent ça sympa et ludique de faire venir un traiteur en camion dans leur jardin. Et quand c'est bon , le bouche à oreille est la meilleure des publicités !
      Mon mail c'est sophieauga@hotmail.fr

    • J'ai été jeter un coup d'oeil, ça a l'air bonn 😀 !
      Il faut savoir faire des concessions et parfois revoir certaines envies à la baisse! La rentabilité ne connaît pas que le plaisir malheureusement 🙂 !
      Je te contacterai certainement bientôt pour en discuter plus secrètement qu'ici au grand jour, mais en tout cas je trouve ça vraiment génial!!

  • Bonjour Vanessa,
    Merci de partager ton expérience de reconversion professionnelle avec les internautes. J’ai lu avec beaucoup d’attention tes articles et notamment celui sur le CAP Pâtissier. J’ai un niveau élémentaire dans la pâtisserie, loin du niveau initial que tu semblais avoir au début de ton CAP. Tu évoques la variabilité quand à la qualité de la formation des CAP pâtisserie. Etant en pleine période de sélection des écoles de pâtisserie, je sollicite tes conseils quant aux écoles que tu aurais tendance à recommander pour la qualité et le dynamisme de leur formation. Merci pour ton aide. Belle semaine ! Laetitia

    • Coucou Laetitia!

      J’avais effectivement un bon niveau en pâtisserie quand j’ai commencé la formation, j’avais expérimenté beaucoup de choses chez moi, ça m’avait permis de pas me retrouver désemparée face à une poche à douille :p !
      Tout dépend de quelle région tu es 😉 Je ne connais malheureusement pas tous les CFA mais essaye de voir si tu n’as pas moyen de joindre des groupoes d’anciens ou des forums!
      Si c’est en ile de France, je te conseille chaudement l’école de boulangerie pâtisserie de Paris, c’est une très bonne école, les formateurs sont très bons et on donne beaucoup d’autonomie aux élèves, ce qui est à mon sens un très bon start dans ce métier!
      J’ai fait mon CAP à tecomah mais je n’ai pas trouvé ça super, mais après je sais que le formateur est parti en retraite, donc la forme des cours a certainement changé 🙂
      Surtout, le plus important, trouve un patron compétent et qui fait les choses bien. Tu passes largement plus de temps en entreprise qu’à l’école, et c’est le seul endroit qui est vraiment confronté à la réalité, car dans les écoles, on te forme d’abord au CAP avant de te former au métier. D’où parfois une déformation pas forcément intéressante du métier et de ce qu’on pense y faire.

      Si tu as d’autres questions n’hésite pas!

  • Bonjour,

    Moi aussi j’ai fait une reconversion en pâtisserie, et je suis contente que du parle du côté moins sympa qu’il y a derrière parce que j’ai vu très peu de personne en parler. Et je t’avoue que quand j’ai commencé à travailler en entreprise ça a été une grande désillusion pour moi. Je m’attendais à pouvoir inventer mes desserts tranquillement et la réalité à été toute autre. Travail fatiguant, voir épuisant, physiquement et mentalement, perte de vie sociale, répétitivité, horaire à rallonge et pb de santé qui vont avec, ça n’a rien à voir avec ce que j’avais orchestrer dans ma tête. Actuellement, j’aime quand même mon travail mais plus le temps passe, plus je trouve qu’il me demande énormément et que ça n’en vaut pas la peine. Ma santé empathie grandement et je pense du coup à changer de voie.
    J’aurais aimé savoir toute ses choses avant de me lancer mais je ne regrette pas mon expérience. La pâtisserie est un beau métier mais il faut savoir le supporter et revoir ses attentes à la baisse parfois. Et surtout apprendre à dissocier passion et travail comme tu l’a si bien dit.

    Chloé.

    • Coucou Chloé !

      De mon côté je ne m’attendais pas à créer des desserts parce que ce n’est pas du tout le quotidien en pâtisserie, mais je pense qu’il y a effectivement une grande romantisation de nos métiers, parce que ce qu’on sort est beau et bon. Et on aime s’imaginer que ça a été fabriqué autrement que dans la souffrance haha.
      Ces métiers sont exigeants et la partie gestion du personnel est une catastrophe, sans parler des salaires qui à mon sens ne compensent pas la perte de vie sociale et l’épuisement (entre les réveils très tôt et toute la charge physique associée …).
      En bref, il y a, je pense, un bon gros travail à réaliser pour revenir à quelque chose de vivable pour les personnes qui souhaitent toujours bosser dans ce milieu. Et pour moi ça passerait notamment par réduire les cartes et habituer les clients autrement, en fermant régulièrement le dimanche, comme à la campagne : finalement tout le monde s’adapte et c’est un gros plus de pouvoir partager du temps avec les autres personnes sur cette journée !

      Courage à toi, la période de désillusion est assez rude.

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