Photographie

L’envers du décor : comment composer une photographie culinaire

Aujourd’hui, on va assouvir un poil de curiosité (malgré l’été, on n’a pas tout épilé, et ouai, celui-ci est tenace, le bougre).
Je sais que mes derniers articles sur le thème de la photographie culinaire vous avaient bien plu, et même si c’est un exercice difficile pour moi, parce que je n’ai pas le sentiment d’avoir grand chose à vous apprendre (TEAM ONE AGAIN BONJoouuuur), je me suis dit que vous seriez peut-être curieux de savoir ce qu’il se passe derrière mon objectif.

Et
Le stylisme culinaire du pauvre (ou de celui qui n’a pas encore la certitude de vouloir y investir son pel)

Car non, je n’ai pas (encore, mais je cherche dur) une table en bois avec des jolies planches vieillies façon ferme, et encore moins une mise en scène tout à fait spontanée comme sur les photos.
Je pense que chaque photographe culinaire a sa méthode de création : certains partent d’une thème, d’autres d’une ambiance, ou encore de vaisselle, moi je créé d’abord l’objet du délice, et ensuite j’avise.
Comme dit, je ne suis pas très méthodique, ça se joue comme une fontaine créative au moment de la prise, même si j’aimerais savoir précisément ce qui va sortir de la boîte avant même d’avoir mis le nez dans mes cartons de props.

Les quoi qu’elle a dit la dame?

Les props! Si tu en viens à te mettre à la photographie culinaire, tu voudras vite mettre un nom sur le bordel innommable de vaisselle, tissus, torchons, et autres trucs plus ou moins logiques qui te serviront à accessoiriser ton univers gourmand.

Du coup je me suis dit que retracer le cours d’une séance complète du début à la fin … Ca pourrait être bien sympathique, alors voilà comment je procède. Je précise que chacun a sa manière de faire et que c’est plus une inspiration qu’une règle à prendre au pied de la lettre 🙂

1 – Choisir, cuisiner et concevoir son plat

Tablier, torchon, cuillère en bois (ou kitchenaid) en poste. Une idée lumineuse (et évidemment gourmande) vient de te traverser l’esprit.
Généralement, les miennes arrivent comme des envies pressantes et ne me lâchent pas la grappe, je suis presque OBLIGEE de me rendre et de réaliser ladite idée pour pouvoir avancer sur autre chose.
Je pense d’abord évidemment au coté gustatif avec un choix de saveurs (choisir), mais j’essaye aussi de penser à ma séance photo même au moment de cuisiner (concevoir): conserver quelques rondelles de tomate, un demi citron coupé, une jolie feuille de basilic ou quelques framboises.
Une fois le plat ou la pâtisserie prête, je réfléchis à son aspect global, surtout en sucré : donner du contraste ou à contrario jouer le thème de l’unicolore, tout n’est que choix et maîtrise de certaines techniques photographiques!

Ici j’ai opté pour une photographie très sombre et ambiance “low key” (basse luminosité avec un sujet bien mis en lumière), pour mettre en valeur ces jolies prunes de la cueillette. Un beau sujet pour débuter une recette et s’inspirer avant de passer en cuisine.

 

2 – Le choix crucial du contenant (ou pas)

Le choix de la vaisselle est primordial pour mettre en valeur un plat. Sa forme (plate, creuse, saladier, boacl) et sa couleur sont les premiers critères qui dirigent le choix. Ou même son absence d’ailleurs, car toutes les préparations culinaires ne sont pas forcément mises en valeur par de la vaisselle 😉
Du riz blanc ressort très peu dans une assiette blanche. Le but est de créer du contraste et de mettre l’aliment en exergue, sans non plus lui voler la vedette.
A ce stade il commence à être important de choisir un fil conducteur, un style, une ambiance, et de savoir quelle impulsion on va donner à sa photo, pour choisir au mieux le contenant.
Pour les biscuits, certains plats salés de type street food, il peut être intéressant de sortir des sentiers battus pour proposer une présentation un peu moins carrée et conventionnelle. On trouve dans certains magasins des emballages propres (type journal niveau visuel), on peut détourner des boîtes de conserve, des tissus, que sais-je encore.
La seule chose importante,c ‘est de faire avec ce qu’on a, mais aussi de mettre une touche d’originalité.
J’ai regroupé tous mes props au même endroit, par type de contenant, histoire d’avoir plus de facilité à choisir au moment venu, mais il peut-être intéressant d’orienter son choix en repensant à des idées croisées sur le net, notamment sur pinterest par exemple.

 

Pas de contenant pour cet entremets, ça aurait gâché sa forme, à moins de trouver un truc en forme … de coeur!

3 – Montrer l’aliment sous son plus beau profil

Quand on cuisine un plat en sauce, ce n’est pas très ragoutant de mélanger les pâtes, la sauce et tout le tintouin comme on le ferait pour gober son assiette. Sauf si ça fait partie intégrante d’une mise ne scène pour donner un coté convivial et très “everyday food” à son cliché.
On prend soin de bien “dresser” son plat selon son idée, et en fonction de son contenant donc.
Sur un gâteau, il y a toujours un coté plus joli, plus parfait ou symétrique (savais-tu que c’est la symétrie qui conditionne notre rapport à la beauté chez nos pairs? Plus t’es symétrique, plus t’es “beau” universellement!), dans mon travail de pâtissière c’est devenu un réflexe de mettre en avant le plus joli coté, mais je vous assure qu’une séance photo avec un petit détail oublié sur le moment peut vite finir par vous rendre fous au moment de la retouche ;-).
Dans cette optique de plat bien appétant, on peut prévoir de rajouter en dernière minute un filet de sirop d’agave, une sauce chocolat dégoulinante ou un peu de sucre glace ou d’huile d’olive. C’est aussi à ce moment qu’on dispose avec un peu plus de précision une jolie feuille de salade, un petit morceau de melon, une flopée de graines, ou une feuille de basilic bien fraîche. Mais avant il faut s’assurer d’avoir bien  planté le décor.

 

De fait, ce qui peut apparaître comme un défaut (coulure par exemple) devient un outil de gourmandise puissant sur la snickersette

 

4 – La valse lente de la mise en scène : mettre le plat en avant tout en lui construisant une histoire

Le plat est prêt et déjà dans son contenant, c’est bien mignon, mais la moitié du travail reste à faire.
Mais comme votre idée est déjà dans votre tête… Travail bien préparé, travail à moitié fait, disait mon maître d’apprentissage Dominique ; et il avait raison!
J’essaye de coller à l’idée que j’avais en tête, mais parfois, ça rendait mieux quand c’était là haut, alors je compose avec un panel de tissus et accessoires que j’avais mis sur le banc de touche au cas où mon équipe ne serait pas la winneuse pour le style de photo que je recherche.
J’essaye de faire en sorte que la mise en scène raconte une histoire, replace le plat dans un contexte. Pour que la personne qui regarde l’image s’identifie, et y trouve autre chose qu’une touche de gourmandise : parler aux estomacs, en somme, plus qu’aux yeux.
Le fond entre en jeu, on place tout le décor et on prévoit la place pour la starlette du jour.
Bien préparer son décor en pré shoot est hyper important si l’on photographie des trucs qui craignent la température ambiante, surtout en été. Cette affirmation est d’autant plus vraie quand il s’agit de glaces, si vous voulez photographier des boules en photo je vous conseille même de faire les boules et de les remettre au congélateur pour qu’elle prennent bien!
Pour ce qui est du fond, je shoote un peu partout selon la lumière alors je positionne mon contreplaqué de manière à obtenir un angle presque droit (mais qui ne risque pas devenir s’écraser sur ce que je photographie, ça m’est déjà arrivé) et je fixe éventuellement des feuilles de fond canson dessus. Une véritable installation digne des plus grand artistes bidouilleurs.

 

Nova tape parfois l’incruste pour ajouter sa “patte”. Ici on a le fond en planches posé sur un lit, un contreplaqué basique acheté chez casto, et une feuille rose fixée par dessus.

5 – Jouer avec la lumière

Après avoir positionné toute sa mise en scène, il faut aussi penser à sa lumière. Si vous songez à prendre un parti spécial (sombre ou au contraire surexposé), il vous faudra tamiser, masquer, rapprocher d’une fenêtre …
Je shoote toujours en lumière naturelle, et j’ai beaucoup de luminosité dans l’appartement.
Pour filtrer un peu de lumière on peut très bien utiliser un voilage sur toute la fenêtre, qui permet d’avoir une lumière moins crue (un peu comme un filtre), mais il se peut que de simples morceaux de carton permettent d’orienter la lumière comme on le souhaite. J’en positionne autant qu’il le faut en les faisant tenir grâce à des tabourets, des chaises, de la patafix .. Si Nova ne bougeait pas autant, je lui en mettrais même parfois entre les pattes!
Ensuite, je positionne enfin mon plat, et j’ajuste ma lumière en finissant d’ajouter un grand panneau de polystyrène, orienté de manière à récupérer la lumière et gommer les ombres qui risqueraient d’être trop crues du coté opposé à la lumière. Vous pouvez évidemment acheter un vrai réflecteur, mais cette solution permet de recycler un matériau assez simple à trouver et qui fait bien le job, en plus d’être très léger!
Et c’est parti pour le shooting.

 

6 – Vérification techniques et évolution de la mise en scène

Pendant la séance, vous pouvez shooter relié directement à votre ordinateur, mais aussi regarder en zoomant l’aperçu de votre appareil numérique.
Il m’arrive aussi carrément de retirer la carte SD et de vérifier plus précisément sur ordinateur si ce que j’y vois me convient, parce que le nombre de fois où il m’est arrivé de ne remarquer un défaut qu’une fois tout rangé … (et avalé aussi) ! C’est ultra rageant!
J’ai aussi souvent tendance à changer un peu ma mise en scène, parce que je pense ne pas toujours faire les bons choix visuels en pré séance, et que je réalise que ça ne rend pas exactement comme je le souhaiterais. Je bouge des éléments, je regarde dans mon viseur pour vérifier le rendu … ou je bouge en ayant l’oeil dans le viseur directement pour obtenir ce que je recherche!
Enfin, le truc qui personnellement me rend folle, c’est quand ma lumière a des sous tons et que je recherche de la neutralité. La balance des blancs pourra vous rendre fous, c’est vraiment un critère à ne pas prendre à la légère car même avec une retouche c’est difficile à coriger, donc je n’hésite plus à bien vérifier et ajuster les réglages de mon appareil en conséquence.

 

Ici j’ai retiré  une partie de la déco en arrière et “ouvert” le sujet en deux pour mieux apercevoir sa gourmandise sucrée. Je vous conseille de bien vérifier que les photos du sujet entier sont à votre goût avant de l’attaquer.

7 – Laisser son regard changer et retoucher

Je ne regarde que rarement mes clichés tout de suite après la prise, j’aime me laisser quelques jours pour avoir un regard neuf et détaché par rapport à ce que j’ai photographié. Comme si j’y était trop attachée dans les premiers jours pour être parfaitement objective.
Je supprime d’office les vrais loupés : flous, première photo de la série qui joue le rôle de crash test, cadrages moches et peu flatteurs (surtout s’ils sont trop serrés, pour les plans plus larges on peut toujours recadrer et réorienter).
Et je me lance dans la sélection d’images les plus jolies.
Evidemment, je retouche les photos que je préfère ou que je pense avoir le plus de potentiel (parce que le potentiel a parfois besoin d’un coup de pouce!).
Et vous trouvez donc la version finale, celle que je vous présente par ici généralement.

 

Ici je n’aurais pas osé ajouter autant de retouches si j’avais attaqué juste après la prise. Prendre du recul me permet de me détacher de mon original et de penser à mon final plus simplement.

Je ne sais pas vraiment si vous aurez des questions après ce flot d’informations pas forcément toutes aussi pertinentes les unes que les autres, mais j’espère que ça vous aura servi d’une quelconque manière.

N’hésitez pas à ajouter vos pratiques personnelles et à me poser d’autres questions si il vous manquait quelque chose.

Bisous doux,

Délia ♥ 

 

4 Commentaires

  • Aaaah ce moment où t'as fait toutes tes photos, tout bien rangé et tout dévoré, et qu'une fois sur ton PC tu te rends compte du détail qui cloche, que tes meilleurs cadrages sont flous, etc… Je ne compte pas le nombre de fois où ça m'est arrivé, et ça me rend dingue! Du coup maintenant je vérifie mes prises avant de tout ranger!

    Quand je n'ai pas d'inspiration pour un shooting, je regarde sur Pinterest, soit dans mon tableau d'inspiration de photo culinaire (ou dans mes 3 millions de tableau sur la bouffe, hein ^^') ou bien en cherchant avec un mot clef (mais généralement Pinterest est assez nul en recherche, il me sort des quiches et des nuggets quand je tape "croque tofu"…). Ma grosse galère reste les plats en sauce et les gratins, pas du tout photogéniques chez moi… J'essaie de ne pas les photographier de trop près car ça les rend vraiment repoussants haha!

    • Pareil, parfois même j'ai l'oeil qui prend qui voit flou et du coup je fais mal mes mises au point et j'ai que les photos qui me plaisent moins qui sont pas mal focusées donc j'ai envie de mourir.

      On a tous nos faiblesses, je pars du principe que quand ça m'emmerde trop c'est que j'ai attaqué sous un mauvais angle et je repars de zéro 😀

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